Ayrton Senna, 1988-2008 : il y a 20 ans # 7

Paul Ricard, Vendredi 1er Juillet

Cette fois, Prost se montra plus rapide que Senna, bien que, selon Prost, sa voiture eût été un petit peu « nerveuse ». Bizarrement, ce phénomène se reproduisit le samedi et donc, pour la première fois de la saison, Senna ne partira pas en pole position. Il se contenterait de partager le record de Moss et de Laura.

Paul Ricard, dimanche 3 Juillet

Prost prit la tête, Senna à sa poursuite. Prost connut quelques problèmes pendant son changement de pneus et, à sa sortie des stands, Senna était au commandement avec 2,9 secondes d’avance. Prost se mit en chasse et dépassa Senna dans la courbe à droit de Beausset, grâce à une attaque incisive et absolument superbe, tandis que Senna était momentanément freiné par des attardés.
Prost, voyant cela, tira le maximum de son moteur pour prendre l’intérieur. Prost : « Je pense qu’Ayrton a dû perdre un peu d’appui quand il suivait une autre voiture dans la courbe rapide avant Beausse, parce qu’il est largement sorti dans la poussière. C’est là que je l’ai rattrapé et j’ai ensuite freiné très tard dans le virage suivant. »
Senna : « Je ne me souviens pas exactement quand le levier de vitesse a commencé à devenir bizarrement imprécis. J’ai manqué des rapports. J’ai eu des problèmes avec les changements de vitesse quand j’étais en tête et la situation a été de mal en pis. Alain s’est comporté très correctement. »

Silverstone, vendredi 8 Juillet

Et l’impossible se produisit : Alboreto et Berger tournèrent plus vite que Senna et Prost. Ce dernier déclara : « L’équilibre de notre châssis révisé était bon quand on l’a essayé, mais, aujourd’hui, nous n’avons pas retrouvé les mêmes performances. » Senna : « Nous sommes très sous-vireurs dans les courbes de Copse et de Becketts, c’est là que nous perdons des secondes. » Le miracle se poursuivit le samedi : Alboreto et Berger restèrent les plus rapide. Senna fit deux tête-à-queue complets à grande vitesse, mais continua comme si de rien n’était.
Les deux incidents s’étaient produit dans le virage de Stowe : « La voiture ne se comportait pas très bien dans cette courbe et j’ai conduit plus à la limite qu’hier. » En réalité, ces tête-à-queue démontrèrent toute la maîtrise de Senna : ils étaient si contrôlés qu’il aurait tout aussi bien pu le faire exprès dans le but de divertir la foule. Quand les freins lâchent, votre première réaction est instinctive : « Mon Dieu, pourvu que ça ne se termine pas trop mal ! « au moment même où vous pensez cela, Senna a déjà replacé sa voiture sur la bonne trajectoire repris son chemin, comme si absolument rien ne s’était passé.
Avant de quitter ce samedi, un dernier élément d’information : au cours des essais préliminaires de la matinée, le moteur de Senna fut changé. L’opération s’effectua en une heure et cinquante minutes et Senna remercia très sincèrement les mécaniciens, comme d’habitude. Goto : « Même si nous regrettons d’avoir manqué la pole position, les anomalies du moteur de Senna nous ont fourni quelques informations nouvelles, qui, je crois, nous seront utiles. Nous espérons toujours obtenir un bon résultat dans le Grand Prix. »

Silverstone, dimanche 10 Juillet

Il pleuvait, une pluie grise dégringolant du ciel uniformément couvert qui ne semblait pas devoir se déchirer. Il pleuvrait toute la journée. La course serait dangereuse, comme toujours sur piste mouillée ; mais ici encore plus qu’ailleurs, car Silverstone est un circuit particulièrement rapide.
Berger prit la tête et la conserva jusqu’au 14ème tour avant que Senna ne le dépasse en plongeant sur sa gauche. Il fonça à pleine vitesse vers le pont Daily Express tandis que Prost, ralenti par un moteur défaillant, roulait au bord de la piste. Imaginez la scène : un retardé, Prost juste derrière lui au moment d’aborder la courbe à gauche très fermée qui se trouve après le pont, et Senna à l’intérieur des deux voitures. Elles allaient lui couper la route…
La voiture de Senna fit une embardée au freinage et glissa vers Prost, qui donna un coup de volant pour l’évite. « Alain et moi, nous nous sommes presque touchés. La course a été difficile, en raison de la très mauvaise visibilité ! Et puis, nous avons eu quelques soucis inattendus avec la consommation d’essence, qui nous a inquiétés, jusqu’à ce que je prenne la tête. A la vitesse de Berger, je n’aurais pas eu assez d’essence jusqu’à l’arrivée. Lui non plus, d’ailleurs, j’en suis presque sûr. » Prost avant aussi eu des problèmes d’embrayage : « c’est à cause de ça que j’ai calé au départ, et j’ai eu de la chance de pouvoir redémarrer. La tenue de route était mauvaise et j’ai pensé que ça ne valait pas la peine de prendre des risques importants pour une 15ème place. » Prost abandonna.
Classement du championnat du monde après le GP de Silverstone : Prost, 54pts ; Senna, 48pts ; Berger, 21pts.
Goto : « Aujourd’hui, les conditions étaient difficiles parce que, en raison d’une motricité plus faible due aux pneus pluie, nous n’avons procédé qu’à une estimation tout à fait imprécise de la quantité d’essence nécessaire pour finir.
Ayrton a dû piloter sous notre contrôle, ce qu’il a accepté comme un bon équipier. Il a tranquillement jugé la situation et a fait en sorte que nous puissions poursuivre notre quête de nouveaux records. »
Mais l’harmonie de la saison fut brisée. La presse française éreinta Prost de ses critiques, prétendant qu’il était un vaincu, qu’il n’avait plus l’estomac pour courir sur piste mouillée.
Prost était complètement indigné. Il déclara que ses problèmes d’embrayage n’avaient rien changé à la résolution qu’il avait prise dès le départ de s’arrêter au moment où il jugerait que la course devenait trop dangereuse.
« Pourquoi serait-on obligé de courir sous la pluie ? On ne le fait pas dans d’autres sports, même au golf, qui n’est pourtant pas un sport vraiment dangereux (quelques jours auparavant, le British Open avait été interrompu à cause de la pluie). Quelle impression croyez-vous que cela fait, demanda encore Prost, d’essayer d’écouter le bruit de la voiture qui vous précède pour savoir à quel moment elle va freiner, uniquement parce que vous ne la voyez pas ? »
Ron Dennis s’irrita des critiques lancées contre Prost. Il intervint pour souligner qu’il avait les deux pilotes les plus professionnels du sport automobile qui soient et qu’il les soutiendrait totalement, au cas où ils décideraient de s’arrêter dans une course jugée beaucoup trop dangereuse.
Accessoirement, précisons tout de même que Mclaren et Honda venaient de gagner à Silverstone leur 8ème Grand Prix consécutif, un record absolu dans une même saison.

Extrait de Ayrton Senna, Pole Passion de Christopher Hilton (édition Solar). Retrouvez l’histoire d’Ayrton Senna dans cette biographie.

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