19 février 2014 Lotus présente sa E22 et un changement majeur était visible. Non pas le double nez de la monoplace, mais la disparition sur les pontons de « Genii Capital Business Exchange » au profit de « Genii Capital ».
Le site www.be-genii.com est toujours actif. Les photos des voitures où l’inscription « Genii Capital Business Exchange » ont laissé place à « Genii Capital. » Le texte de présentation de la plate-forme n’a pas changé, tout juste le nom de PDVSA est ajouté à la liste des partenaires. Mais le plus intéressant est en bas de la première page.
Sir Jackie Stewart, three time Formula One world champion and strategic advisor to Genii Business Exchange from 2011 through 2013.
Expliquant aussi la disparition du Business Exchange dans la communication de la société luxembourgeoise. Stewart en était l’ambassadeur dans le paddock. Reste une question : quelle est la stratégie de Genii Capital en Formule 1 désormais ?
Crée en Juin 2010, le Business Exchange était l’incarnation du modèle économique présenté par les nouveaux propriétaires de l’usine d’Enstone : Faire de la Formule 1 et plus spécifiquement l’équipe Renault/Lotus Renault GP/LotusF1 Team une plate-forme d’affaires. A l’époque l’approche était révolutionnaire, une troisième voie qui avait été souligné par un article dans le Financial Times. Depuis lors ? Hormis l’annonce de Stewart comme ambassadeur le 25 Mars 2011 et la participation à une levée de fonds de 35 millions de dollars pour la société Zink Imaging en décembre 2011. Rien. Un obscur accord de voiture auto-partage avec Proton la même année, mais depuis trois ans, la plate-forme n’a été que peu active en génération de deals.
La fin de l’exposition médiatique du projet Business Exchange marque la fin du projet économique de la société luxembourgeoise et probablement de son échec économique. La fin du Business to Business.
La recherche d’un avenir
Le 23 Janvier 2014 un cabinet d’avocats, JAG Shaw Baker, est mandaté pour trouver des investisseurs à Lotus F1 Team. 9% étaient à céder. L’échéance était de 6 mois (soit Juillet). Depuis lors ? L’annonce du mandat a été supprimée de Compagnie Houses. Preuve d’un échec.
Depuis la fin de la saison dernière, l’homme d’affaire Andrew Ruhan (fort de 2% du capital de Lotus depuis Avril 2013), souhaite revoir son investissement de 75 millions d’euros (avec intérêts) d’ici la fin de l’année 2014. La pression monte pour les hommes de Genii car Ruhan a déjà investi par ses hommes les postes clés de gestion de Lotus F1 Team.
A Austin, le discours de Gérard Lopez, co-CEO de Genii Capital, avait de quoi surprendre. Il y a quelques mois encore l’homme disait dans les médias qu’il pouvait financer son équipe sans problème, en fonction de ses besoins. Sous la forme de prêts bancaires. Toutefois, juste avant la course américaine, l’homme d’affaire luxembourgeois a demandé au président de CVC Capital Partners, Donald McKenzie, une prime d’environ 125 millions d’euros total pour Lotus, Sauber et Force India. Plus tard, Lopez explique qu’une prime de 12/15 millions d’euros par année supplémentaire suffirait. Contradictoire, avec les déclarations de Juillet 2014 lors de l’exposé des comptes de Genii Capital au Luxembourg. Tout allait bien donc…
Genii Capital n’a-t-il plus assez d’argent pour financer Lotus ? Entre 2010 et 2013, un investissement d’environ 35 millions d’euros par année a été consenti (via des prêts), mais pour 2014, la réduction de l’investissement, selon le BusinessBookGP2014, n’était plus que 15 millions d’euros. L’argument de cette différence était que l’équipe allait obtenir plus d’argent des droits Concordes et que l’objectif était d’avoir un budget de 170 millions d’euros pour 2014 (déclaration dans Auto Motor und Sport). Visiblement cette prévision financière n’était pas suffisante.
L’urgence de changer de moteur, passant de Renault à Mercedes en payant le prix (environ 35 millions d’euro de dédit pour le constructeur français, ajoutant les 11 millions de payement à l’avance du moteur allemand), plus les discussions de surface avec Fernando Alonso (avec proposition, selon le quotidien AS, d’offrir 30% du capital de l’équipe comme salaire au double champion du monde) et à mettre en parallèle avec la demande de prime auprès de CVC Capital.
L’objectif de Lopez et Geni n’est pas tant de sauver les petites équipes, mais de valoriser (et sauver) ce qu’il reste de l’équipe d’Enstone. Une équipe que Genii Capital estime à 260 millions d’euros. Mais au vu de sa situation, sa dette, la valeur semble toutefois plus proche du capital (77 millions d’euros), soit la valeur de Sauber.
Les scénarios de l’après
Beaucoup de questions sur l’avenir de Lotus… L’avenir se déroule sous nos yeux. Que fera Andrew Ruhan si en Janvier 2015 il n’a pas récupéré son argent ? Appliquera t’il son plan qu’il n’a pas pu imposer cette année : A savoir réduire le budget de l’équipe de 24%, les effectifs à 450 employés, devenir rentable et augmenter la valeur effective de l’équipe de 25 à 30% pour une vente prochaine. On s’y dirigera de toute manière au vu des événements récents. Lotus touchera 20 millions d’euros de moins des droits TV FOM et la prime du CVC ne suffira pas à combler l’écart perdu.
Matthew Carter, homme de main de Ruhan et CEO de Lotus F1, a laissé entendre qu’un changement de nom du team était à prévoir. Anticipant une vente prochaine et souhaitée. Le discours de Gérard Lopez est flou. Son personnage récent de Robin des Bois de la F1 est un costume qui ne s’accorde pas avec la réalité du discours passé. La maxime : « Investir 50 millions en F1 pour obtenir des deals de 500 millions » ne s’accorde plus avec le discours de survie d’aujourd’hui. Lotus n’avait pas de problème financier avant, elle en a désormais. La vérité éclatera t’elle ? Mystère.
Notons qu’en Juillet 2012, le Financial Times a dévoilé un projet d’investissement de Genii Capital de 500 millions d’euros dans le Football. Sauf qu’hormis la campagne du rachat du club de Ligue 2 française, RC Lens (avec une offre ridicule), ce projet n’a pas été suivi d’un plan concret. Qu’en est-il aujourd’hui ? Autre mystère.
Les nuages sombres et orageux recouvrent le ciel déjà d’encre au dessus de l’usine d’Enstone et rue Peternelchen. Les prémisses d’une tempête. D’un ouragan, voir d’un tsunami. Les ingrédients sont là. Les mystères d’aujourd’hui ne deviendront pas les légendes du futur. La transparence est la nouvelle vérité. Le génie est injuste et sans nécessité. C’est sa définition. Les nuages sombres et orageux recouvrent le ciel déjà d’encre…
Articles connexes
- Les dessous de l'affaire Force India - Diageo
- Note du Mardi : Prost GP : l'illustration de l'évolution marketing F1
- Perez, Button, Massa, Bottas, Nasr etc... le point sur le marché 2017
- La méthode Montezemolo en crise
- La prolongation de Jenson Button chez McLaren en 2015