BusinessNewsF1 n°5 : JordanF1

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« Certaines personnes du marketing pense que Jordan ne doit pas gagner pour être populaire ». La déclaration date de 1999 semble résumé l’esprit JordanF1, l’histoire financière d’une équipe dirigé par le plus célèbre marchand de tapis de l’histoire de la F1.

Son dernier coup, avant de vendre son équipe au groupe Midland. Un accord avec trois sponsors. D’abord avec le sponsor historique de l’équipe : le cigarettier Benson & Hedge, fidèle mais irrégulier dans sa participation, accepte les $20m que Jordan demande pour devenir le sponsor principal de l’équipe pour 2005. Puis des négociations avec Timo Glock et son sponsor (la Deutsch Post) pour $20m et le rang de second sponsor, de la même manière que Vodafone l’est pour Ferrari. Et enfin avec Robert Doornbos pour séduire la marque hollandaise d’équipement informatique Trust avec $10m en bonus.
Avec les revenus FOA, le budget 2005 devait s’élever à $70m, soit le même budget qu’en 1999.
Finalement n’ayant pas eu assez de temps, et sous pressions par Bernie Ecclestone, à cause de différentes affaires dont nous reviendrons plus tard, force Eddie Jordan à vendre son équipe $25m à un milliardaire canadien russe totalement inconnu, mais qui a la confiance du grand argentier de la F1 : Alex Schnaider, l’équipe Midland F1 est née.

Eddie et les Piranhas

Cet épisode résume assez bien l’histoire de l’équipe Jordan F1 depuis son arrivée en 1991.
Au départ l’idée de Jordan était de fusionner son équipe de F3000 avec l’équipe Lotus et de profiter du sponsoring de Camel. L’équipe Lotus appartenant encore à la veuve de Colin Chapman, Hazel, l’affaire aurait été fort intéressante pour Jordan, mais Camel retourne sa veste au dernier moment, préférant donner les $20m de son sponsoring à Williams et Benetton.

Malgré ce revers, Eddie Jordan décide de passer à la F1. L’équipe n’est composée que de 30 personnes, alors que Mclaren en dispose de 200, mais débute sous la houlette de Gary Anderson la conception de la première F1 conçu de A à Z par l’équipe avec l’objectif de la présentée fin 1990 au public.
La nouvelle voiture s’appelle 191, elle existe, reste plus qu’à la faire courir.
Car la conception et la réalisation de deux monoplaces ne représentent que 20% du coût de la saison.
Rapidement après la présentation de la voiture, une rumeur annonce que l’équipe est dans une situation financière difficile. Ce qui est désastreux pour les négociations avec ses sponsors.
Dans un premier temps les négociations avec Camel ont échoués, c’est alors que Eddie eu 3 idées qui vont sauver la vie de son équipe :

La voiture devait s’appeler Jordan 911, mais le nom ayant été déposé par Porsche pour sa célèbre voiture, Eddie Jordan prétexta que le nom de la marque allemande n’était valable que pour la voiture, pas pour une monoplace. Au final, la marque de Stuttgart lui offrira durant l’année 1991 une 911 toute neuve.
C’est à cette époque là qu’a été inventée la méthode Jordan pour attirer les sponsors : on fait rouler la voiture en dessous du poids réglementaire pour faire une performance remarquable en essais d’hiver.
Et enfin lors de la présentation de la 191 à la presse, un gros logo 7up, marque de Pepsi Co, est présent sur le capot moteur de la machine. Tout le monde crie au miracle, mais Jordan laisse courir la rumeur que le contrat de sponsoring vaut $10m sur 3 ans, ce qui était finalement faux car il ne portait que sur $1,1m et sur une année.
Un véritable coup de poker médiatique, mais qui ne paye pas les factures moteurs. Mais avec l’arrivée de Andrea de Cesaris et de Bertrand Gachot, et surtout de leurs sponsors lui apporte $8m sur la table, car la voiture est rapide !
Mais le budget de l’équipe est malgré tout inférieur à €9m et Eddie doit emprunter pour payer les traites du moteur Ford. €2,3m de dette contractée par le team manager pour finir la saison 1991.
Mais cette première saison a eu son lot de chance. Gachot emprisonné par la police anglaise, c’est Michael Schumacher qui s’installe au volant de la 191 pour 250.000$ (payé par Mercedes) lors du GP de Belgique.
L’allemand sera le point de départ du nouveau décollage de l’équipe irlandaise. En effet son arrivée rapide en F1, a chamboulé beaucoup de chose.
L’accord entre l’allemand et le team Jordan ne comporte qu’une course, mais après le GP, Jordan lui propose un contrat jusqu’en 1994 où il devra débourser $3,5m par an. Les négociations se passe en secret, mais Willi Weber, l’agent de Schumacher, préfère signer avec Flavio Briatore qui propose $500.000 de salaire au jeune pilote.
En échange, l’italien vire Roberto Moréno, ce qui provoque la colère de Ayrton Senna en personne. Tout cela se réglera devant les tribunaux, avec un double dédit de $500.000 pour Moreno par Benetton, mais aussi $500.000 pour que le brésilien puisse participer à deux manches du championnat du monde 1991, au volant de la Jordan.

Mais la saison 1991 se termine dans les dettes, si bien que les banques refusent de l’aider. Il négocie donc l’étalement des factures du moteur Ford jusqu’en 1994.
Pourtant l’équipe est professionnelle et elle sera sauvée par Bernie Ecclestone qui lui trouve un accord avec Yamaha qui lui fournira son mauvais moteur V12, mais il est gratuit et qui s’accompagne de $5m pour l’année 1992. De son coté Jordan demande une augmentation de budget pour 7up, les américains proposent juste une reconduction de contrat au même tarif. Pourtant Jordan refuse, mais l’équipe va mal, sans sponsor principal. 4 jours plus tard, il signe avec la compagnie pétrolière Sasol pour $8m par an jusqu’en 1994. Merci encore Bernie.
La saison 1992 sera catastrophique mais les dettes diminues et les pilotes toujours payants. Le budget 1992 est estimé à $23m.

Pour 1993, Jordan signe avec le petit motoriste Brian Hart, qui dispose d’un moteur V10 moderne et puissant. L’accord porte pour 2 ans et $3m par an.
Petit à petit l’équipe revient à son niveau de 1991 et termine en 1994, 5ème du championnat avec une pôle position dans le palmarès.

Mégadeal Eddie

Le crédit de l’équipe monte en flèche, on compare le duo Jordan-Anderson à Williams-Head de la grand époque. Mais il manque un moteur usine. C’est Ron Dennis qui va lui offrir sur un plateau, car ayant rompu son accord de 4 ans avec Peugeot après une année seulement. Jordan saute sur l’occasion et signe un contrat moteur avec le constructeur français de 3 ans, gratuit.
Malheureusement les voitures ne sont pas à la hauteur du moteur et il faudra attendre 1997 pour que Jordan remonte la pente niveau performance.
Mais Peugeot c’est marié entre temps à ProstGP et Eddie Jordan se
Contentera d’un moteur Mugen Honda qu’il payera $8m l’an.

Durant la période Peugeot, l’équipe Jordan va devenir une vrai équipe. Passant d’abord de 50 personnes à 100 en 1997, se dotant d’une vraie soufflerie en 1996 qui ne lui a coûtée que $5m. Mais aussi d’une vraie usine de F1.
Il veut une usine ultramoderne à Silverstone, pour se rapprocher des standards de Mclaren et surtout de Williams, son modèle. Mais il ne dispose que de 50% du budget estimé à $50m. Surtout qu’il fait construire cette usine en période de crise du bâtiment. Mais Eddie est malin, il négocie avec les entreprise de BTP et obtient un rabais de…50%.
Entre temps, la recherche d’un sponsor principal depuis le départ de Sasol se fait sentir.
En 1995 le budget global était estimé à €45m, mais aucun sponsor principal. En Fin d’année, avec l’aide de Peugeot, Jordan a approché la SEITA pour un accord long terme comme Williams et $15m par an, mais à l’époque le cigaréttier avait réduit son enveloppe de moitié pour Ligier et ne voulait pas aller au-delà de son contrat finissant en 1997.
C’est alors qu’il se retourna vers Benson & Hedge, marque anglaise. Le contrat sera officialisé une semaine avant le début de saison 1996.
$10m par an durant 3 ans et un bonus de $20m sur la période, suivant les résultats.
Le budget de l’équipe en 1996, qui débutait à €17m, bondit à €24m, pour allez jusqu’à €31m en 1997.
En 1998, l’arrivé de Damon Hill, va provoqué une hausse des tarifs et une crédibilité énorme pour l’équipe.
Hill a signé un contrat de 2 ans avec une base de $10m, et Benson & Hedge a offert à l’équipe en 1998 un chèque de $35m.
Une victoire et une 4ème place au championnat du monde 1998, va bouleverser l’équipe.
Dans le courant de l’année, Eddie Jordan négocie avec Honda pour le rachat de son équipe. Les $150m demandés par l’irlandais étouffe le constructeur japonais. Mais au final Jordan décide de créer une marque avec son équipe.
Il cède début 1999 40% de son équipe à une banque, Warburg Pincus, pour $80m.
A cette époque, la marque Jordan se décline en produit dérivés, Tshirt, Boisson en 2000 avec la EJ10, puis Bière avec la V10 et Bière-Vodka en 2003. VTT, chaussure de sport, scooter Honda en série limité, bref une déclinaison de marque jamais vue depuis Ferrari.
On parle même d’une série limitée Honda Integra R Jaune.
Car l’équipe Jordan a le vent en poupe, suite à la saison 1999, ou 2 victoires et la 3ème place la propulse top Team.
Honda signe un contrat de 4 ans avec l’équipe et lui fourni ses moteurs en 2000. L’équipe grandit encore jusqu’à atteindre 250 personnes en 2001. Mais l’équipe a grandi trop vite.
Warburg Pincus retire ces billes en 2001, sans avoir rien gagner et revend ses parts dans l’équipe à un fond d’investissement irlandais (actif dans le football anglais) 4 fois moins chères.
Honda retire son moteur fin 2002, préférant investir sur BAR.
Son sponsoring avec la Deutsch Poste et Benson & Hedge a du plomb dans l’aile.
Et la tentative en 2001 d’avoir le sponsoring de Vodafone et les $140m sur 3 ans à la clé a échouée lamentablement devant les tribunaux. Et enfin en 2002 l’accord avec Orange n’a pas abouti.
Eddie se retourne alors vers Honda puis vers Ford europe. Le constructeur japonais lui payera $25m, ce que le moteur Ford coûte, car les nippons devaient une année de contrat à l’équipe Jaune.
Courant 2003, Eddie négocie avec Ron Dennis, pour avoir des V10 Mercedes pour $10m, mais aussi avec les chinois.
Pourtant une nouvelle victoire chanceuse, comme la première, couronnera en 2003 la carrière de cette équipe.
L’équipe survie en 2004, mais décide de jeter l’éponge en début d’année 2005. Au départ l’accord entre Midland et Jordan était de $50m, mais Ford réclamant que l’accord de 3 ans signé en 2002 soit honoré, l’affaire se conclu à $25m pour Eddie, après le paiement des moteurs Ford.
En 1998, le budget de l’équipe était de $50m, en 1999, il sera de $70m.
En 2000 il atteindra les $100m, dépassera les $150m en 2001 et arrivera à son apogée en 2002 avec $190m. Mais en 2003 et 2004, le budget baissera petit à petit pour atteindre respectivement $70m et $50m.

Agent de pilote et agent de change

En 1979, Eddie Jordan était Team manager de l’équipe de F3 qui l’emploie. Avant la fin de la saison, il tente de faire signer un contrat de management à un jeune prodige Néo-Zélandais, Mike Thanckwell. Ce dernier refuse. Jordan est déçu, surtout que le jeune garçon devient pilote Tyrrell et surtout le plus jeune pilote de l’histoire de la F1.
Thackwell ne sera qu’un pétard mouillé et ne fera pas carrière en F1. C’est alors que Eddie peaufine son approche. Le contrat de management garantit au jeune pilote l’évolution de sa carrière, c’est-à-dire un passage de la F3 à la F1 garanti en cas de résultat. Ensuite les millions gagnés seront partagés avec le manager.
Il signe avec Martin Donnelly en 1988 et Jean Alesi en 1989, un contrat de management et de pilote dans son équipe.
Rapidement l’irlandais va rentabiliser ses investissements. Donnelly, tenu par un contrat management de 6 ans est loué à l’équipe Arrows en 1989 et Jean Alesi se retrouve dans l’équipe Tyrrell pour le GP de France de la même année.
Ce Grand prix de France marque l’arrivé de Jordan dans le monde de la F1, car Alesi termine 4ème avec sa modeste machine. Aussitôt, Ken Tyrrell, propose un contrat pour 1990, tandis que Donnelly, hérite d’un volant dans l’équipe Lotus.

Donnelly est tenu donc par un contrat de 6 ans, en échange de 15% de ses gains de course, signé en 1987. Tandis que Alesi a un contrat de même durée mais avec un prélèvement de 20%, car d’après Jordan, Alesi lui doit sa carrière en F1, car personne n’en voulait en F3000.
C’est Jordan qui négocie le contrat de $4,5m que Alesi touchera en 1991 chez Ferrari, et lui encore qui négociera en parallèle avec Williams.
L’accord avec Jordan et Alesi se terminera en 1994 avec un salaire de $7m pour le français.
Donnelly stoppera la F1 en 1990 suite à un énorme accident de F1 dont il gardera d’importantes séquelles.
Juste avant l’épisode Alesi et rodé avec l’épisode Schumacher, Eddie Jordan décide de bétonner les contrats de ces pilotes. L’arrivée de Rubens Barrichello en 1993 marquera une nouvelle ère de rentrée financière pour l’équipe. En effet Mclaren, durant l’intersaison 1993/1994, décide d’embaucher le pilote brésilien. Mais pour le libérer de son contrat Jordan, valable jusqu’en 1996, il fallait débourser $5m, une paille même pour Mclaren.
Le même contrat sera rédigé pour Eddie Irvine qui sera vendu la même somme à Ferrari en 1996.
Dans le même ordre d’idée, Fisichella sera vendu, après avoir signé un contrat Jordan jusqu’en 1998, à Benetton pour $3m, tout comme Ralf Schumacher sera vendu la même somme à l’équipe Williams, malgré un contrat valable jusqu’en 1999.
Les deux dernières tentatives de ventes de contrat ont échoués. Tout d’abords avec Fisichella en 2003, après lui avoir divisé son salaire par deux, passant de $9m à $4,5m, Eddie Jordan tenta de vendre le contrat pour $9m à Sauber, mais le pilote Italien dénonça la réduction de salaire, et put se libérer de son contrat qui courrait jusqu’en 2004. Pour allez chez Sauber.
Enfin en 2004, Jordan a essayé de vendre Nick Heidfeld à l’équipe Williams, pour que celle-ci remplace Ralf Schumacher accidenté. Jordan demandait $3m. Pourtant Jordan n’a pas toujours été heureux en affaire concernant ces pilotes. En 1998, Damon Hill touche $10m de salaire et se voit proposer $15m par l’équipe BAR qui rêve de voir reformé le duo vainqueur de 1996. Résultat Jordan dû s’aligner sur BAR et donné à son pilote le salaire qu’il souhaitait.
Autre méfait, restera l’affaire Frentzen.

Quand l’allemand signe son contrat avec Jordan en 1998, sur une base de 3 ans avec un salaire évolutif de $4m en 1999, $5m en 2000 et $6m en 2001, l’allemand est fini pour la F1 suite à son passage désastreux chez Williams.
Pour redonner confiance au pilote, Jordan met une clause dans le contrat permettant à HHF de prolonger son contrat de lui-même sans que l’équipe lui demande son avis. Par contre une clause de résultat s’imposait.
En 2001, Frentzen ne fut pas aussi performant que prévus, malgré une bonne monoplace et il fut viré avant le GP d’Allemagne.
L’allemand ira jusqu’au procès, Jordan lui payera sa saison 2002 qu’il avait prolongé et se verra rajouté $6m de dommage pour sa carrière. Soit un chèque de $12m.

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