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Note du Mardi : Craig Pollock et l’évolution du métier de l’agent

Il est intéressant d’entrevoir l’évolution de Craig Pollock dans le rôle d’agent de pilote de course entre le moment ou il était en charge de Jacques Villeneuve, il y a 20 ans et la signature en Janvier dernier de Charles Pic.

1995, Craig Pollock et Julian Jacobi posent les premières pierres de la société Stellar Management. Cette société devait représenter Jacques Villeneuve dans le grand cirque de la Formule 1. Une entreprise classique à l’époque tirant entre 15 et 20% de commission sur le salaire du champion du monde 1997. Pollock s’occupant des relations avec les équipes et les sponsors, ainsi que l’orientation de carrière. Tandis que Jabobi négociait avec les patrons d’équipes le contrat du pilote québécois et la gestion des produits dérivés.

Ce concept existant depuis les années 70 en Formule 1 a perduré jusqu’à la fin le de la première décennie des années 2000. Les salaires étant de plus en plus importants, le marché était rentable. L’incarnation de ce modèle restera Willy Weber, Steve Robertson et Flavio Briatore. Un modèle toutefois qui périclite.

Craig Pollock a lancé une société au Luxembourg il y a quelques mois, The Pollock Formula (TPF), très discrètement. La signature de Charles Pic est l’incarnation d’une nouvelle orientation des agents à l’avenir. Suivant la signature du pilote français, c’est un accord avec la société de marketing sportif V&V (pour Kim Vatanen et Atte Varsta), se présentant sous l’aspect complémentaire suivant : The Formula Pollock se spécialisant dans la collecte de fonds et attirer les investisseurs ou sponsors, tandis que V&V s’occupe de la gestion des pilotes.

C’est une réponse au monde de la course automobile d’aujourd’hui, victime de la crise du sponsoring. Un virage intéressant pour les agents, qu’ont aussi épousé Nicolas Todt (Pastor Maldonado et Felipe Massa) et Steve Robertson (Felipe Nasr). L’agent ne propose et ne valorise plus son client/pilote comme avant, il doit créer de la valeur autour d’investisseurs/sponsors suivant l’évolution de carrière du champion. Par exemple, Felipe Massa est payé par le sponsoring de Petrobras et cela a été démarché par Nicolas Todt, en collaboration avec l’équipe marketing Williams, qui s’occupera ensuite de la gestion de l’accord.

Une mutation intéressante, car aujourd’hui seul un champion du monde peut encore prétendre à faire la fortune de son agent. Ces quelques élus ce tournent de plus en plus vers des sociétés de marketing ou des agences de communication depuis que leur numéro est désormais à vie. Augmentant ainsi leur valeur, au-delà du sport. A l’opposée les agents sont des liens pour proposer un package pilote/sponsor aux équipes, afin de valoriser leurs clients pour l’avenir et continuer de toucher une juteuse commission.

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Vous êtes un agent de pilote de Formule 1, mode d’emploi

Je vous propose un jeu. Vous êtes l’agent d’un top pilote de Formule 1 et vous avez mandat pour établir un transfert par votre client. A vous de jouer et je vais vous expliquer comment les agents y arrivent le plus souvent. La méthode est la même d’ailleurs, mais c’est la plus efficace.

Pour faire simple elle tourne autour de trois leviers qui doivent être actionnés un par un. Le premier est d’utiliser une faille. Le second est d’établir un climat médiatique et le troisième est de créer l’offre et la demande. Simple non ?

Voici le scénario : Depuis 2 ans, mon pilote est dans une équipe qui progresse avec lui. Toutefois il y a un souci. L’équipe semble stagner et les relations de mon pilote avec les ingénieurs s’en ressentent. Depuis le début de la saison la tension monte au point qu’il y a eu des mots avec la direction de l’équipe en coulisse. C’était au printemps. Rien n’avait filtré à l’époque, mais vous (l’agent) avez tout analysé en silence. Quatre mois plus tard, votre pilote signe et quittera son équipe actuelle. Ainsi cette faille entre l’équipe et le pilote va servir de base pour la création du climat médiatique.

Cette période est celle des rumeurs dans les médias (le démenti qui indique que le pilote souhaite rester sur place, la période vague ou tout semble perdu, ensuite celle ou il indique qu’il continue de discuter avec l’équipe A). L’affaire de la faille sort en premier comme un justificatif cinglant. Entre temps vous discutez avec d’autres équipes et vous obtenez une première offre d’une équipe (Team B)  offrant un contrat de deux ans à 15 millions d’euros. Pas assez selon vous. Toutefois, l’offre n’est pas mise aux oubliettes, elle va servir pour la troisième phase : créer l’offre et la demande.

Ainsi vous allez dans un premier temps sonder l’équipe actuelle (Team A) de votre pilote, afin d’analyser leur tendance. Le plus souvent l’équipe n’a pas vraiment envie de se battre pour garder son pilote dans ces conditions là. Ensuite vous allez créer de toute pièce un concurrent à la première offre pour faire monter les prix. C’est l’offre médiatique.

Ainsi, tout le monde y gagne : le directeur d’équipe (Team C) comprend les retombés médiatiques qu’il peut obtenir pour son équipe et son image de top team est préservé par la même occasion. Pour l’agent, cela permet de mettre sur la table une offre virtuelle, dotée du prix souhaité. C’est ce que l’on appel une offre médiatique. Grâce à cela l’agent indique le prix qu’il souhaite aux patrons de l’équipe B, indirectement. L’agent souhaite 36 millions d’euros sur 3 ans. Pendant ce temps, la machine médiatique se déchaîne et indique que votre pilote va dans l’équipe C. C’est d’autant plus convainquant que cela embrouille tout le monde. L’équipe A annonce en off qu’elle abandonne et l’équipe B révise son offre,  s’alignant sur l’offre du Team C. Mission accomplie. Reste la phase finale.

C’est la dernière opération médiatique qui prend en général 2 ou 3 semaines après la signature et avant l’annonce officielle. La première chose est que les médias commencent à dire que c’est une grande tragédie de quitter l’équipe A, mais quel autre équipe peut permettre d’exprimer son talent ? Naturellement l’équipe B ! Ainsi c’est le moment ou les médias commencent  à dire que l’équipe B a signé le pilote. Cela permet d’intégrer le fait que l’équipe B est une alternative honnête. Le buzz fait ensuite le reste et l’agent peut finaliser les détails du contrat et prévenir l’équipe A que le pilote ne sera plus là de manière officielle. Une manière d’être poli, car de leur côté l’équipe A avait déjà débuté les démarchent envers d’autres pilotes.

Ainsi se résume le plus souvent 120 jours de tractations, poker menteur et manipulations médiatiques autour du marché des pilotes de Formule 1.

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