Saga : Benetton Formula – 1997, la construction de l’échiquier
Sur Piccadilly Circus, entre les murs du Planet Hollywood, l’ambiance était très hollywoodienne. La nouvelle arme de Benetton, devant gommer l’affront du précédent exercice, exhibait des lignes finalement assez familière. Une simple évolution de la précédente monoplace en plus fine. La B197 était désormais le fruit d’une nouvelle équipe technique composée de Pat Symonds et Nick Wirth. Plus légère d’une vingtaine de kilos, disposant d’un nouveau différentiel hydraulique et d’une direction assistée, ainsi qu’une nouvelle suspension arrière et un retour à la boite de vitesse transversale à 6 rapports. Des solutions simples pour revenir à l’essence même du succès. Surtout des solutions pour masquer un budget de seulement 50 millions de dollars moins important que la saison précédente. Soit deux fois moins que Williams, McLaren et trois fois moins que Ferrari. En bref, les solutions de 1995 pour résoudre les problèmes techniques de 1996. Benetton commençait à rentrer dans le rang.
La victoire au Grand Prix d’Allemagne de Gerhard Berger ne changea rien à l’évolution d’une saison complexe. Benetton perdait du terrain. Distancé par Williams et Ferrari et rattrapé par McLaren, l’usine d’Enstone comptait essentiellement sur la puissance et les évolutions du moteur Renault RS9 pour se maintenir à son niveau. Jean Alesi et Gerhard Berger échaudés par cet épisode de leur carrière décidèrent de changer d’horizon. Sauber sera le salut du français, la retraite celle de l’autrichien. L’été 1997 fût terrible pour Benetton. Aucune rumeur de transfert à référencer alors pour remplacer son duo de pilote, malgré une timide approche auprès de Damon Hill. Pire l’équipe était annoncée à vendre 80 millions de dollars. En réalité, la famille Benetton racheta les 35% de ses parts à Flavio Briatore et ce dernier démissionna dans la foulée en Septembre. Remplacé par David Richard pour les dernières courses de la saison. Une page se tournait pour Benetton. Entre temps, en bon soldat, l’italien avait signé un contrat de sponsoring avec Fedex et surtout réalisé deux importants accords.
Le premier avec Mecachrome/Renault pour une fourniture de deux saisons, après avoir flirté avec Mugen Honda pendant des mois. Le second avec son sponsor principal, Mild Seven contre 35 millions de dollars pendant trois saisons. Enfin, Briatore avait signé les Accords Concorde jusqu’en 2007. Les bases restaient solides pour l’avenir.
L’épisode Mecachrome relevait de l’ultime coup de Briatore. Une sorte de vengeance entre amis. Une démonstration de puissance aussi. Ayant négocié la fourniture moteur pour le compte de la Scuderia Minardi avec les français pour obtenir le V10 (Ex Renault) en 1998, l’italien avait déboursé 3 millions d’acompte. Souhaitant vendre ses parts de Minardi, Flavio Briatore souhaitait développer l’usine de Faenza pour la rendre plus séduisante auprès des très britanniques commanditaires de British American Tobacco, qui visaient le rachat d’une équipe à moyen termes. A l’époque Benetton voulait quitter la Formule 1 et souhaitait vendre à un partenaire solide. British American Tobacco, grand concurrent de Philip Morris (Marlboro) souhaitait racheter une équipe. Le départ de Flavio Briatore en Septembre était le résultat de la stratégie de la famille Benetton d’épouser le projet de David Richard qui consistait à faire racheter un top team par le géant du tabac. Juste après le Grand Prix du Japon, Benetton annonce une prolongation de contrat avec Mild Seven. L’opération était pilotée par Flavio Briatore. Par quel moyen ? Simplement en devenant conseiller et VRP pour les japonais dans le paddock. N’avait t’il pas durant la saison 1996 menacé Ken Tyrrell en pleine réunion pour les Accords Concorde en indiquant que le budget de la marque de tabac japonaise dont disposait le grand Ken pour financer son équipe, relevait de sa décision et non pas celle de l’anglais ? L’argent ira d’ailleurs chez Minardi l’année suivante. L’affaire Mecachrome/Minardi/Benetton relevait du même mélange des genres.
BAT ayant finalement choisi le troisième projet de Craig Pollock en rachetant l’équipe Tyrrell, Flavio Briatore n’avait plus réellement d’intérêt pour Minardi. Il céda pour 18 millions de dollars ses parts à son associé Gabriele Rumi et dans la foulée céda son option sur le moteur Mecachrome. En effet, sans moteur pour 1998, Benetton Formula racheta pour 5 millions de dollars le précontrat signé par une société proche du manager italien au nom de Minardi avec Mecachrome en décembre 1997. Répétition avant l’épisode Supertec.
Entre temps, l’influence de Briatore était toujours visible chez Benetton. N’ayant pas de tops pilotes disponibles sur le marché pour la saison 1998, l’usine d’Enstone fît le choix de signer deux jeunes pilotes proches de son ex manager italien. Agent d’image de Giancarlo Fisichella et Alex Wurz les deux pilotes avaient été confirmés par Benetton pour les saisons 1998 et 1999. Jarno Trulli héritera du volant Prost (ex Ligier) avec une option pour 1999.
Ayant pris conscience que son temps était venu avec l’arrivée de son rival Alessandro Benetton dans la galaxie Benetton. Flavio Briatore avait embauché en Juin 1997 le français Bruno Michel (gérant de l’équipe Ligier) pour réaliser sa seconde vie. Loin de la gestion d’une équipe. Cette stratégie allait toutefois lui permettre de rester au contact avec la Formule 1, mais également de rester au conseil de Luciano Benetton pour son équipe, ainsi que des japonais de Japan Tobacco, des français de Renault et de pilote comme Fisichella, Trulli, Wurz et Pedro Diniz. Une autre histoire pouvait débuter dans un avenir lointain. Une sorte de vengeance sur l’ère précédente. Le scénario d’un italien qui n’avait aucune chance dans le salon de l’hôtel Grosvenor en 1989 face à Bernie Ecclestone et qui est devenu avec le temps un personnage unique du monde de la Formule 1. L’instigateur d’une évolution toujours visible aujourd’hui en bien ou en mal. Le jugement appartenant au temps.